L’enfer de l’envie et la force de l’être
Il m’arrive de vivre des choses assez interpellantes en ce moment.
Je vois bien que quand je me produis en conférence-spectacle ou en spectacle, je génère différentes réactions.
Les uns adorent Anabelle et se sentent bien inférieurs à elle, comme si j’étais une étoile hors d’atteinte.
D’autres la louent, s’émerveillent et se sentent proches d’elle. Elle les inspire.
Et puis d’autres auraient tendance à me critiquer, me jalouser et ont des réactions que je sens assez virulentes, ou je ressens des comparaisons, des envies, des critiques. On envie souvent une forme apparente de réussite. Je les sens partagés entre l’admiration et l’envie de moi.
Ca peut passer par des regards de fatigue, des énervements ou des critiques et des comparaisons sur ma forme d’expression. On ne me le dit pas forcément ouvertement ainsi mais je le ressens : « ce n’est pas vraiment du clown ce qu’elle fait. Ce n’est pas abouti son spectacle, ce que fais, c’est mieux car (…) »
Tous ces avis ont leur raison d’être.
Je suis d’accord avec chacun puisque notre sensibilité est subjective et personnelle. Et puis, que dire? Ma quête n’est dans pas la perfection au niveau artistique mais au niveau de la réalisation de mon être. Ma forme artistique soutient toute mon aspiration de plénitude.
Face à ce contexte extérieur, il faut alors beaucoup d’amour pour moi et de reconnaissance pour sortir de cette dualité apparente.
Je n’ai donc qu’une solution : me centrer sur moi et me couper de tout ce qui est extérieur.
Je ne suis ni inaccessible, ni géniale, ni nulle. Je suis dans ma singularité d’être et d’offrande.
Je suis vouée à me reconnaître tout simplement. Je me reconnais comme une belle personne honnête, travailleuse, généreuse et dans la recherche de joie pour moi et de dons de joie pour ceux qui viennent me voir ou que j’accompagne.
Il faut dire aussi que j’ai tellement de retours positifs et de remerciements sur ma forme créative joyeuse, que ça m’aide aussi à me reconnaître.
Heureusement, il n’y a pas longtemps, j’ai ressenti cette ombre en moi. Oui, moi aussi j’ai eu cette pointe dans mon coeur!
C’était terrible. Je me suis mise à envier une personne qui tout simplement réalisait un rêve professionnel important.
Tiens? Mais pourquoi suis-je envieuse ? Je suis bien moi aussi dans la réalisation de mon être et de mon métier ?
Au lieu de m’attarder sur le jugement de cette impression d’envie très désagréable, je me suis donc tout de suite arrêtée et posée.
Je me suis interrogée: quelle est la partie de moi qui n’est pas assouvie ? Quel est mon besoin non comblé pour que je ressente de l’envie ?
C’était à cet instant, tout petit, cet endroit: c’était juste une expression de mon rêve professionnel non révélé encore, non abouti.
Alors, plutôt que d’en vouloir à cette personne qui me montre mon ombre, j’ai envie de la remercier intérieurement.
Heureusement que je l’ai enviée car elle m’a permis de réaliser totalement mon nouveau projet. Je l’ai écrit et je l’ai proposé.
Pour traverser cette jalousie, je suis passée à l’action le plus tôt possible car je voulais pouvoir me réjouir sincèrement et totalement pour elle. Elle m’a bien « boostée » en fait. Elle m’a aidée à me réaliser par l’effet miroir. Qu’est ce qui me dérange chez l’autre et qui est en fait une partie de moi que je n’arrive pas à reconnaître ou à mettre en place ?
C’est un cadeau, cette ombre en moi, si j’en fais quelque chose.
C’est un enfer si je me laisse envahir par elle, en la subisssant.
Du coup, cette sensibilité à l’écoute de mes jalousies ou de mes jugements ne m’a pas quittée car j’ai bien sentie que c’est une porte de réalisation personnelle ou de lâcher prise.
J’ai bien 2 options: ou je peux réaliser ce que j’envie chez l’autre, à ma manière, ou je dois lâcher ce rêve qui m’empoisonne pour en trouver un autre, plus dans la cohérence de ma Vie. Trouver un autre rêve que la vie me propose et non un rêve que j’impose. Là, ce n’est plus mon petit moi qui décide. La vie décide et je ne peux qu’accepter pour être apaisé. J’ai le choix de résister mais je souffre à vouloir obtenir ce que JE veux à tout prix.
C’est parfois une longue lutte avec plusieurs étapes, pour lâcher totalement son ancien rêve sans être triste, dépité ou aigri. Ca peut même prendre des années pour être totalement en paix et dire OUI à cette vie qui m’est proposé.
On croit toujours tout décider alors que c’est tellement la vie qui décide, qui nous accompagne, qui nous guide, qui nous emmène là où nous devons être. Et ce n’est pas du fatalisme. C’est accepter de surfer sur les vagues du chemin de notre âme.
J’ai tellement peu décidé de ce que j’ai mis en place.
J’ai eu des intuitions et j’ai beaucoup semé de graines. J’ai persévéré en proposant à chaque fois, à l’univers, mon rêve. Et la vie a décidé ce qui pouvait ou non se faire. J’ai fait ping et l’univers a répondu pong! Parfois l’univers a envoyé un rêve auquel je ne pensais pas (comme mes conférences-spectacles, mon spectacle et mon jeu Terre de joie) et j’ai répondu à ses propositions en les réalisant. On a bien joué…
J’ai tellement eu de désirs personnels contrariés, que je sais ce que veut dire abandonner un rêve.
Mais en lâchant un désir, j’ai eu la chance d’avoir une autre proposition par la vie, dans une autre cohérence, une opportunité de me faire grandir intérieurement et de quitter mon petit confort personnel pour aller vers une dimension plus universelle.
Quitter mon rêve pour un plus grand, je connais. Pas toujours facile, ce passage dans le vide.
Alors, quand je réalise mon envie de l’autre, que ce tout petit endroit inconscient, non satisfait en moi, a nourri un tel sentiment de comparaison ou de jalousie, ça me questionne.
C’est terriblement humain mais je n’ai pas du tout aimé me voir de la sorte. Je ne me suis pas trouvé belle. C’est dur d’observer une ombre. C’est dur de ne pas se juger.
C’est heureusement passé car identifié et réparé par une mise en action rapide dans mon œuvre, par ma créativité.
Et maintenant, je remercie cette partie de moi passagère et duelle car je la sens régulièrement, cette jalousie ou envie chez les autres, envers moi. Heureusement que je l’ai traversée car du coup, je ne la juge pas. Je la reconnais et je sais combien c’est inconfortable.
J’aurais plutôt envie de leur dire: quelle est la partie en vous, non assouvie ?
Serait -il possible de la satisfaire ?
Pouvez-vous vous donner les moyens d’être exactement à votre place, dans votre singularité d’être et de vie, sans comparaison ?
Pouvez -vous être vous-même ?
Dans le cas contraire, qui vous en empêche ?
Car personnellement, en me réajustant avec mon besoin d’être et de faire, mon sentiment d’envie est enfin parti.
Et puis envier quoi ?
Que savons-nous de l’autre ? De ses renoncements, de ses lâchers-prises, de sa vie intime, de son parcours, de son quotidien, de ses tristesses, de sa joie et de son chemin à accomplir?
La seule chose à envier serait la paix. Et donc, c’est entre soi et soi. Donc, ce n’est pas à envier, c’est à instaurer.
C’est étonnant. Pourquoi nous envions certaines personnes de leur réussite et pourquoi nous en félicitons d’autres, en nous réjouissant profondément?
Quel est donc ce miroir que me renvoient ces personnes que je croise?
Quelles sont les parties en nous qui souffrent et que nous pourrions donc réparer pour pouvoir nous réjouir totalement du bonheur de tout le monde?
Quelles sont les parties frustrées en nous qui nous amoindrissent dans notre manifestation de réjouissance du coeur?
Pouvons-nous nous réjouir pour sa nouvelle maison ? Son nouveau travail ? Sa nouvelle création ? Son nouvel enfant ? Son nouveau voyage ? Son nouveau rôle? Sa nouvelle voiture? Son nouveau Rêve ?
Si non, pourquoi?
Est-ce si dur de se contenter de qui nous-sommes et de ce que nous vivons?
C’est tellement apaisant pour moi de ne pas me comparer et de me dire que tout ce qui m’arrive est juste.
Quand on a le sentiment d’être à sa place, on n’envie personne.
Personnellement, j’ai l’impression de suivre la vie que dois avoir. Je me suis donné les moyens d’être dans ma vie. Pas plus, pas moins.
J’ose être moi-même et je l’offre à la terre.
Oui, quand je suis en Anabelle j’offre une zone de joie et d’émerveillement sur terre.
C’est vraiment une action qui me rend heureuse.
Je ne souhaite pas qu’on me m’envie mais si j’inspire, tant mieux! Comme certains m’ont inspirée et m’ont permis d’ouvrir des portes …
Je viens de jouer en Suisse et alors que je m’interrogeais sur cette question de l’envie, une femme est venue me voir après ma représentation.
Elle était très belle et lumineuse, à mes yeux.
Elle m’a dit: » Je voulais vous dire merci. Je vous ai vue hier soir en spectacle et depuis hier, je pense à vous. J’ai vraiment pris une décision, grâce à vous. »
Et elle me regarde droit dans les yeux et d’une voix très affirmée, elle me dit: » Je vais enfin être moi même. »
Elle demande à m’embrasser et d’émotion se met à pleurer quelques larmes, dans mes bras.
Elle me redit sans me lâcher des yeux: « J’ai 62 ans et je vais enfin être moi même. C’est de vous voir qui a été un vrai déclencheur en moi. Vous êtes tellement audacieuse. (…) Moi-aussi, je suis audacieuse tout au fond de moi et j’ai beaucoup de joie. Je vais oser la montrer, la partager avec les patients à l’hôpital. Tant-pis ce qu’on pense de moi. Je vais être moi-même.. »
Cette déclaration a été un baume en moi comme une réponse à toutes les questions que je me posais: comment faire pour tout simplement inspirer les autres? Comment faire pour éviter les jalousies ? Les comparaisons ?
Et puis j’ai eu la réponse. Oui, c’est possible d’être un exemple pour l’autre et de l’encourager à être dans sa vie, sans hiérarchie, sans comparaison.
Mais cette bascule intérieure, cette inspiration que je déclenche et non cette envie, est totalement indépendante de moi.
Je n’y peux rien. Je ne peux rien pour encourager à aller dans cette direction. C’est entre l’autre et l’autre.
La seule chose que je puisse faire, c’est continuer à rayonner mon âme sur terre et tenter d’offrir le meilleur de ma présence.
Le reste ne m’appartient pas.
Osons être nous-même! Osons être dans notre singularité! Osons l’originalité d’être. Puis, laissons faire.
N’envions personne mais aidons notre égo à rayonner notre âme, dans le maximum de joie.
C’est notre défi d’être.
Et si nous pouvions tous être un exemple pour l’autre ? Pas une source d’envie mais une source d’espoir ou d’inspiration pour ce monde?
Qui est prêt à oser être cet exemple?
Soyons dans notre lumière…
Magnifique texte ! Si vrai…
Je suis très touché par ta sincérité ,par l’ouverture de ton coeur . Tu es un être humain au sens noble du terme ! On ne peut réaliser la paix ,que notre propre réforme intérieure . Ce qui permet de se reconnaître soi même et aussi de reconnaître l’autre dans sa singularité . Nous avons chacun ce « travail » à faire.
Merci beaucoup .
Jean Charles
rrereconnaître
J ai lu avec intensité chaque mots que vous avez écrit, MERCI de l avoir fait. C est tellement VRAI. MERCI D EXCITER . Isabelle
Être soi…. quel défi!
Oui cette force, cette vulnérabilité, cette audace peut être jalousée. Oui elle remue en nous les ombres et les lumières.
Oui elle titille et nous oblige à donner le meilleur.
Par ce que c’est la vie, par ce que nous sommes humains, par ce que l’autre a aussi ses défis et qu’il résonne en nous.
Anabelle et Sandra sont deux etres de lumière qui éclairent nos doutes et les carrefours des choix que nous avons tous à faire.
Merci de ces partages, des regards, des sourires et de la présence.
Merci d’etre Une étoile bien nez.
merci pour l’invitation. Oser être soi, rayonner, se défaire du regard extérieur, utiliser le miroir que les autres nous offrent…. Tellement de pistes en un seul texte. Merci, merci, merci d’être un modèle, non pas à suivre mais à s’inspirer par sa présence d’être à soi ! Bisous
wow! Quelle belle façon d’exprimer un chemin pour être! Ces réflexions et découvertes que tu fais suscitent elles aussi de l’émerveillement! Je cherche encore MA place, (même si elle est toujours ici et maintenant), je continue moi aussi d’explorer et j’aime l’idée ce jeu de ping pong avec la vie!
Vraiment, Merci pour ce partage.
Je t’embrasse.
Simone Laguerre (Lulu Berlue)
Tellement humaine….merci
Salut Sandra, je suis les aventures d’Anabelle depuis … longtemps, et tombe toujours sous le charme de son côté moitié clown blanc moitié Auguste.
Seulement il arrive que parfois l’homme au visage blanc et au chapeau en forme de cornet de glace se mette à pleurer. Alors on peut voir l’Auguste s’approcher timidement de son ami et lui glisser quelques mots dans le creux de l’oreille : Des mots que lui seul connaît. « Tu sais « monsieur le luneux » ton nez rouge tout petit et pointu ne fait pas rire tout le monde, seulement le monde n’a pas la chance d’avoir un beau nez rouge comme toi. » Puis il ajoute l’œil pétillant, « sauf moi bien sûr, quoique le mien est plus joli, plus rond, plus comme ci ou comme ça, et puis sache le luneux que je suis le champion du monde du nez rouge donc je m’y connais en nez rouge etc etc…
Oh chère Sandra, tes textes sont d’une telle justesse, que c’est à chaque fois, un bonheur de te lire. Par chance et pour ma part, l’envie ne m’est pas familière. Par contre et comme tu le dis si bien, l’inspiration est une bien meilleure sensation. D’ailleurs, à certains moments de ma vie de clown, je me suis tellement inspirée de toi, que j’en ai eu le souffle coupé ! J’ai vécu de grandes joies grâce à toi et je t’en remercie. Mon nez rouge en poche, je suis sur le chemin de mon être et j’avance pas à pas, mais sans jamais faillir. Je ne sais pas combien de temps cela prendra, quelle importance après tout ; mais une chose est sûre, c’est qu’un jour mon nez rouge sortira de sa cachette et se montrera à nouveau au grand jour. Je te l’ai déjà dit, mais j’aime à le répéter, encore merci pour tout.