Mai 2016

Aujourd’hui en soins palliatifs, j’ai rencontré une femme que je n’oublierai jamais, tant telle était authentiquement sage et apaisée.
Je ne veux pas m’étendre… mais elle m’a appris la sagesse du présent et de l’amour, la puissance comme rarement je l’ai ressentie.

Elle habite au Canada et elle est arrivée tout à l’heure pour accompagner les derniers jours de son enfant, de 37 ans qui voulait faire son dernier voyage en Europe. Comment vivre un tel moment sans hurler de douleur, pleurer, ou être totalement abattue ?
A côté de son lit, elle lui caresse le ventre anormalement énorme, alors qu’il est tout mince. « C’est mon trésor, mon grand amour » me dit-elle.
Aucune larme, une présence de sourires, et de douceur. Une vraie présence d’amour, sans aucun apitoiement et aucun regret ni volonté de le retenir. Elle est au présent, toute sage, à ses côtés. Pas de tristesse car ce n’est pas le moment. Elle est là pour lui et bien heureuse d’être là, à temps.
Je m’étonne de sa présence, de sa verticalité. Elle me répond que « Oh c’est une expérience de toute une vie! »
Elle se rappelle la première fois qu’on a mis son fils sur son ventre quand il est né. C’est évident, elle lui tiendra sa main jusqu’au bout. « On est responsable de qui on a mis au monde… Il partira avec les papillons. » dit elle en souriant.

Euh…quel est son niveau d’amour pour arriver à cet endroit ?

Tandis que je fais résonner mon carillon pour lui donner des sons cristallins apaisants et l’emmener dans les prés, elle se réjouit du moment où il est là, sous ses mains.
« Mon trésor… »
Je m’aventure à la questionner : « Et… tu ne souffres pas trop de sa souffrance ? »
« Oh non…ils lui ont donné plein de calmants….Il est bien là. Il est beau. Il a toujours été le plus beau pour moi. C’est le plus beau des enfants . Il est toujours beau pour moi. Ah je suis sa maman !… » et elle me parle de lui, de son enfance, du cadeau de l’avoir comme enfant. Je tente de ne pas pleurer en l’écoutant.
Et elle ne pleure pas. Comme si elle était en dehors des larmes, sans se mentir ou se nier. Elle est heureuse de l’avoir eu comme fils.
« Et tu as besoin de quoi ? », je lance en Anabelle, pour voir si je peux l’aider.
« Oh de rien. Je suis là pour lui. J’aime être utile. » (…)

Elle m’explique un peu plus tard combien il faut toujours voir le positif dans toute circonstance. Il y a toujours quelque chose à comprendre.
« Alors qu’apprends tu, là maintenant avec lui ? »
« J’apprends…. l’acceptation. Oh, il a fallu un peu de temps pour accepter, mais lui, il a toujours vécu au présent et il a tout accepté. Quand il a appris sa maladie, je lui ai demandé ce que ça lui faisait. Il m’a dit qu’il a tout de suite pensé à la prière de la sérénité. »
« Ah bon, c’est quoi ? »
Et elle me récite en essayant de choisir les bons mots :
« Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer celles que je peux changer et la sagesse d’en voir la différence. »
« Ah mais je connais ! C’est une phrase d’un sage indien ,Swâmi Prajnânpad. »
« Et bien , je l’ai beaucoup répétée cette phrase. »
« Tu acceptes totalement ? »
« oui… »
Puis elle m’ a parlé du vrai travail intérieur, du chemin du mot; comment passer de la tête au cœur.

Je n’invente rien.
Elle est très authentique cette femme et elle est admirable. Elle a fait le chemin.
Je m’incline….
Je m’arrête de raconter. Il y aurait tant de choses à dire de notre rencontre, mais l’essentiel est là.
Je lui ai dit que si tout le monde était comme elle, je serais au chômage technique ! On a souri. 1,2,3 on profite. On a vraiment profité et je suis sortie. Des bisous volants s’échappaient de notre bouche, en souriant.
Voici une rencontre bien apaisante.
Si on ne peut pas changer la vie, on peut vraiment changer le regard qu’on a sur elle… Gratitude