Sécuriser et sourire dans l’obscurité….
Cet homme accepte ma présence mais il a tant d’angoisses de mort…
A 47 ans, il a une grosse tumeur purulente qui lui fait comme une double tête, sur son épaule, à côté de son visage. Je ne le quitte pas des yeux. Surtout ne pas me concentrer sur l’impensable, le douloureux, le monstrueux, par respect pour lui. Rapidement, il m’avoue avoir peur de mourir. Quel aveu honnête dans l’immédiateté. J’entends. Je l’accueille et je le vois.
En réponse, je l’invite à respirer ensemble tour à tour le calme, la légèreté, la sérénité. Puis, je lui fais créer des bulles de protection dans son esprit afin qu’il se réfugie dedans et trouve la ressource nécessaire pour se pacifier. Il ferme les yeux et me fait confiance. Je sens qu’il trouve un refuge dans son cœur. Il me parle de ses parents, de ses amis. Il est tout ouvert. En trouvant sa maison intérieure, il se détend. Ça, c’est une vraie piste pour accompagner les personnes au seuil de la mort.
Comme ça marche vraiment très bien et qu’il a trouvé l’espace sécurisé en lui, je décide alors de détendre l’atmosphère pour dédramatiser ce qui se vit. Je suis bien consciente de son horreur mais mon rôle de Neztoile est aussi de dédramatiser.
Je sens qu’il a besoin qu’une personne joue avec lui, le fasse rire car que ce doit être bon dans sa traversée ! Qui rit de tout encore avec lui ? Je suis peut-être là pour cette espace d’insouciance, cet élan vital, ce jeu de la vie. On ne se quittera pas des yeux, d’une seconde.
Avec mon visage blanchi, pailleté, tout dirigé vers lui et avec tous sourires et amour, je l’interroge joyeusement en faisant tintinnabuler mon bonnet. J’y vais franchement, sans retenue, sans pudeur, avec une vraie jubilation de la rencontre, comme mon personnage sait le faire.
« Et si je te donne mon sourire , tu prends ?«
Il me regarde, tout ouvert et détendu. Il me répond : « Oui. «
« Et si je te donne mes yeux tu prends ? »
« Oui » et il sourit.
« Et si je te donne mes oreilles qui sont immenses ? Tu prends ? «
Il rit. « Oui. »
Alors je ne me retiens plus. « Et ça ? » Je fais bouger mon bout de nez rouge.
Je tente de lui faire ressentir une acceptation totale de lui, joyeuse, bien au-delà de ce corps effrayant, par l’offrande de tout mon visage joyeux. En lui donnant tous mes petits bouts de moi, il semble heureux, comme si sa maladie était loin. Il sourit. Il rit. Il prend tout de ces moments de joie, alors que tout fait peur dans son corps, dans sa tête… Il a de la ressource, cet homme. Il prend ce qu’il y a à prendre quand une nouvelle personne va le visiter. Respect. Merci à lui de s’apaiser. Ça me donne une telle joie de le sentir mieux. Il a souri et je vois bien qu’il est détendu.
Nous nous sommes vraiment rencontrés, là où il était. J’y pense encore. Je pense à lui et je vois ses yeux étonnants, son sourire et sa petite voix. Je vois aussi sa tumeur gigantesque. Je ne peux oublier. Quelle traversée il doit faire.
J’ai rencontré une de ses amies, une semaine plus tard après cette visite. Il venait juste de mourir. Dans le couloir, elle est venue jusqu’à moi en me disant :
« Oh ça doit être vous la fée !«
Je souris et je sautille en fée pour aller vers elle, par accueil et pour donner le meilleur de moi-même dans ces tristes circonstances.
« Pourquoi tu me dis ça ? »
Elle me parle alors de son ami, de cet homme à la tumeur grosse comme une double tête. Elle tient à me remercier.
« La semaine dernière, il a envoyé un message à tous ces amis par SMS en disant : J’ai rencontré une fée. C’était merveilleux…«
Ma joie c’est de les apaiser, les emmener dans un monde rassurant et léger avec profondeur et sourires… Combien ils m’apprennent. Ils m’apprennent que la petite lumière sincère, calme et légère, peut éclairer l’obscurité totale… C’est toujours possible de trouver un nouvel espace de tranquillité et de joie pour s’y abandonner.
Alors, osons leur proposer.
coucou Sandra,
merci pour cette force que tu as de ne pas te laisser hypnotiser par l’horrible, de continuer à contacter le beau…. C’est un immense cadeau pour cette personne de sentir qu’elle est considérée comme une personne, un être humain, malgré son apparence physique. Aller au delà des apparences…. Très paradoxal avec les Neztoiles qui se maquillent et qui se griment, et donc pour qui l’apparence est tellement porteuse. Une tension dynamique et porteuse :-)) Merci, merci. Gros bisous, Belle Femme 🙂
Oh oui, il a une fine perception : il a rencontré une fée.
Merci pour les cadeaux que tu fais de ta personne et le partage que tu nous en fais; prise de recul mais aussi et surtout partage pour l’Humanité : il y a toujours le Temps Présent et la Beauté ! Nous inter-sommes !
Encore les larmes aux yeux une fois de plus en te lisant. Si j’étais sensible je penserais presque être touché…Bref , trêve de plaisanterie : MERCI pour tes fabuleux témoignages et pour tous les gens que tu aides.
C’est fabuleux!! Quelle belle mission tu as Sandra… Je t’embrasse fort en espérant qu’on se recroisera bientôt… ❤️
J’imagine…Saurais-je ne pas agrandir les yeux devant cette « chose »qui pend sur son cou, son épaule, même si l’on m’a préparée à cette vision? Je ne trouve rien d’autre à dire que « je t’aime » à la flamme qui brille doucement et si fidèlement en toi…
Je suis toujours tout émue de te lire et de voir quel apaisement tu/vous pouvez apporter. Je t’embrasse bien fort
Mille bravos, Sandra pour cette qualité de relation! quelle joie de savoir que cet homme en souffrance a pu être pacifié par ton sourire, ton accueil tel qu’il était…être une « fée » , ce qui signifie sans doute pour lui transformer une détresse en bonheur de te voir…
A bientôt! Anne-Marie (Savoie)